Modèle

Une composition. Torse. Bras. Jambes. Et un visage. Ce visage.
Les cheveux broussailleux.
Le visage.
Allongé. Rallongé indéfiniment par un trait de barbe, tressée, nouée. Un peu de fatigue, un peu d’ennui au fond du voile de ses yeux noirs.
Le modèle ce soir ne bouge pas.
Trente minutes. Trente petites minutes pour dresser la carte de cet immense territoire aux contours mouvants.
Ce soir le modèle ne bouge pas.
Les ombres portées creusent le fond des vallées. La gomme crée des taches de lumière et un coup de doigt révèle du front le modelé.

Trente minutes, figées dans cet espace immobile, quelque part entre son visage et ma main enfin délivrée de moi.

Dans le blanc des yeux

Le temps frotte les yeux des gens 
Au papier de verre,
À la pierre ponce,
Aux sables mouvants,
À la poussière grise
Que trop d’hivers ont entassée
Sur les bas-côtés du printemps.

Des crevasses se forment
Le long des veines noires
Que le temps découpe
Dans le blanc des yeux des gens
Qui comptent les matins 
Et les soirs à venir
Avant de s’endormir.