Multitudes de moi

Je changerai de nom. D’adresse. De nationalité. De couleur de cheveux. De sexe aussi. Signe particulier, un tatouage sur l’omoplate droite ou gauche ou pas de tatouage. Né en mai, décembre, février ou au milieu du mois d’août, je serai tour à tour paysan, professeur, généalogiste ou fabricant de tracteurs.

Il y aura de moi mille versions, mille déclinaisons, mille manières d’embrouiller les fils qui nous relient aux fabricants de café en poudre ou de sex toys. Ils me traqueront, comme tout le monde, pour savoir ce que je fais et prévoir ce que je ferai. Ils voudront rentrer dans ma tête sans se douter qu’on est plusieurs et leurs algorithmes se perdront dans les méandres de mes personnages.
Au sexagénaire dégarni ils proposeront un leasing à 0.99% pour l’achat de n’importe quelle Harley. Un plan épargne pour l’étudiante. Un plan retraite pour le quadra déclinant. À la grand-mère nonagénaire, on suggérera un legs pour une association humanitaire. Ils sauront que je suis prévisible et je les encouragerai en effectuant des recherches pour des pilules qui bandent ou un mascara qui ne coule pas.

Je serai célibataire et fier de l’être.
Née à la campagne, et mère de trois enfants.
Coach professionnelle, experte en transition professionnelle et changements profonds grâce à la Spéléologie Intérieure.
Branleur nihiliste.
Couteau suisse des rituels opérationnels et collaboratifs.
Jeûneur intermittent.
Directrice du Bonheur.

Je serai des multitudes. J’aurai tous les bleus du ciel mais jamais ses nuages.
Des gris par milliers mais pas une trace de noir.