L’horoscope de l’homme vierge

L’émotion m’étreint au moment de me pencher sur le sort tragique que les étoiles réservent aux hommes nés sous le signe de la vierge. J’ai une petite bouffée de chaleur et même un  début de frisson.
Car enfin ! Il y a onze mois, je me lançais à corps perdu dans la rédaction encyclopédique de cet horoscope universel et voilà que je termine ma première révolution autour des astres : une année complète et douze signes décryptés. Je me souviens encore de ce jour de septembre. Il faisait très beau. Dans sa robe bleue d’automne, le ciel concupiscent fabriquait des nuages aux formes abondantes. Suspendues aux arbres par un fil fragile, les feuilles fatiguées s’apprêtaient à rejoindre le sol pour nourrir notre mère la terre. Mon œil vissé au bout du télescope déchiffrait les mystères de la nuit. (Entre-temps, Le soleil s’est couché à l’ouest du ciel concupiscent et il fait nuit.)
Combien de manuscrits visités ? Combien de sites dépoussiérés ? Combien d’heures fiévreuses passées dans un état proche de la transe pour passer enfin de l’autre côté du ciel, là où le futur s’écrit en lettres de sang ? En vérité, je ne saurais le dire et ce n’est pas la question. Face à cette somme, à ce monument, l’heure est à la joie. La fatigue s’efface. Restent l’émerveillement, ce sentiment de plénitude et surtout, les remerciements.

Tout d’abord, un merci ému à la couronne d’Angleterre, plus particulièrement HMQELIZABETH II pour avoir autorisé l’accès aux enregistrements des conversations téléphoniques entre le Prince de Galles et Camillus Parker. Majesté, pour le thé et les mouillettes, c’est quand vous voulez.

Un merci particulier à Aston Martin et  un message personnel pour James W. Paddleton, VP of marketing : James, j’attends toujours mon petit cadeau.

Un gros poutou à Philippe Candeloro qui  m’a fait don de sa  combinaison en jersey fabriquée durant le premier épisode de la Guerre des Étoiles.

Enfin, que grâces éternelles soient rendues à Mary Quant pour avoir inventé la mini-jupe plutôt que le fil à plomb.

Que les incrédules et les ignorants consultent la rubrique « l’horoscope universel » sur la droite de ce blog. Ils verront et ils croiront.

L’horoscope de la femme vierge

Chère femme vierge. Pourrais-tu prendre ta tête à deux mains et lire ceci : Bélier, Taureau,  Gémeaux, Cancer, Lion, Vierge, Balance, Scorpion, Sagittaire, Capricorne, Verseau, Poissons.
Que vois-tu? Une liste qui comprend les douze signes de l’horoscope en partant du 21 mars pour finir le même 21 mars, une année plus tard. Pourquoi, le 21 mars ? Parce qu’une année devrait toujours commencer au printemps.
Si maintenant, tu entreprends un massage des tempes avec les index et les majeurs, nous pouvons aborder un deuxième niveau d’abstraction et nous demander : mais dans cette liste, qui donc est l’intrus ? Et d’abord, y a-t-il un intrus ? Je dis oui. Absolument.

Reprenons. Le bélier est un bélier comme le taureau. Le gémeau est un jumeau, le cancer une prolifération anarchique de cellules qui ont perdu le sens de l’orientation. Le lion a une crinière qu’il ferait mieux de raser. (Voir l’horoscope de la femme lion) La balance balance. Le scorpion pique et le sagittaire aussi. Le verseau verse de l’eau dans l’aquarium pour que le poisson reste rouge. C’est facile : à chaque signe son ambassadeur, figure animale ou humaine. Les choses sont claires. Et pour le cancer ? Pour le cancer aussi. Mais j’aimerais quand même que celle qui a posé la question du cancer se dénonce. Petite futée. Il reste toute cette vaisselle à ranger.

Alors, chère femme vierge, autant te le dire tout de suite, la vierge la fout mal. D’emblée, le front anti-astrologique se plisse et se gausse : que penser d’une science dont les fondements reposent sur une confusion impardonnable entre l’être et l’état. On est taureau, sagittaire ou cancer. (Tu as déjà fini la vaisselle, il y a les cuivres à astiquer. File et que je ne te revoie pas avant la fin de cet article.) Point à la ligne. On n’a jamais vu un taureau se transformer en sagittaire ou un lion en scorpion. On nait balance, un point c’est tout. Ah oui ? Ah bon. Par contre, on est dans un état de virginité ou de non-virginité. Un bélier peut être vierge ou pas. Un gémeau aussi. Tout le monde peut être vierge, un scorpion, c’est pareil. Il faut choisir. Certains ne choisissent pas. Parlez-en au scorpion mâle. Il vous dira que la virginité est un état à protéger. Parlez-en à la scorpion femelle. Elle ne peut pas vous répondre. Elle a la bouche pleine de scorpion mâle après dépucelage.

Donc, il est établi que la vierge n’a rien à faire dans l’alignement bien ordonnancé des signes astrologiques. La vierge gêne. La vierge fait tache. Pour que l’astrologie soit enfin reconnue comme une discipline scientifique à part entière, il n’y a plus de temps à perdre.
Virons le signe de la vierge. Remplaçons-le par le signe de l’éléphant. Ça calmera le lion.

25 seconds with Jimmy Page


A while ago, I wrote a short and totally subjective review on Mark Knopfler’s gig in Montreux this year.

For those of you who don’t have time to open the link and procrastinate, here’s the deal: I entered the concert a handsome 48 years old gentleman. As Knopfler started to play his red Stratocaster, he sent me back to the times when I was eighteen and listening to his guitar for the first time. See the point? It happens with music, scents, perfumes, maybe the way the sun casts a shadow of a tree. Marcel Proust used a soft cookie, a Madeleine, as a time machine. There are many ways to feel like a teenager when you are actually buying a second pair of reading glasses.

So, I was hopelessly trying to assemble words in a coherent way to capture that feeling. And then I saw this extract from It Might Get Loud a movie starring 3 guitar players: Jimmy Page, The Edge (U2) and Jack White. (The Whitestripes)

You won’t waste your time. It’s only 25 seconds.

Page takes his guitar and starts to play the opening riff of A whole lotta love. When they hear that, The Edge and White just look at him. I know, it’s all planned, there’s a script, it’s a MOVIE. But still. Just look at them when they hear Page begin. Look at their eyes. It’s there. This is exactly it. This is exactly what my two thousand miserable adjectives will never be able to reach.

Just look at their eyes. That’s it:  http://bit.ly/aDSxfU

L’horoscope de l’homme lion

 
L’homme lion ferait mieux de se couper la crinière. Il aurait moins chaud en été. En hiver il porterait une écharpe mauve enroulée autour du cou. Et des moufles comme tout le monde.

Sans sa crinière, l’homme lion est plus aérodynamique. Sa silhouette s’allège et il voit mieux sur les côtés. Il parle à sa voisine dans les diners en ville. Le matin, il parle à son voisin. Lui demande des nouvelles de sa femme. Le voisin surpris lui répond que sa femme va bien.
Au repas de midi, la vue ainsi dégagée, l’homme lion découvre les crudités, à côté du pâté en croûte et de l’aiguillette. Il mange une salade verte pour son transit intestinal. L’après-midi se passe dans un rêve. Le soir il va au cinéma sans déranger la salle derrière. Il voit le film jusqu’à la fin. 
Il rentre chez lui et se couche. Près de lui, la lionne sourit. Enfin débarrassée de tous ces poils qui l’empêchent de respirer, la femme lion se réjouit. Alors, elle se retourne. Elle embrasse son lion. Lui, surpris, répond à son baiser et la nuit dure jusqu’au petit matin.

Quand elle se réveille, il lui demande alors, heureuse ? Elle dit que oui. Elle dit que sans sa crinière, l’homme lion est beaucoup moins con.

L’horoscope de la femme lion

Aux mâles plaintes qui s’élèvent contre l’absence d’horoscope pour les hommes cancer le mois dernier, j’apporte une réponse en deux temps.
Dans un premier temps, je vous encourage à considérer l’ensemble des recherches et des lectures nécessaires à la rédaction d’un horoscope qui s’étend sur plus de 10 épisodes haletants : Il restait deux lecteurs au moment du dénouement.
Dans un deuxième temps, le mois d’août touche à sa fin et nous n’avons toujours pas effleuré toutes les épreuves qu’un destin tragique réserve aux natifs du lion.
Donc, que les hommes béliers relisent l’horoscope de la femme bélier. Toutes les informations sont là. Il suffira de remplacer « Prince Charles » par « Camilla ».

La femme lion commence le 23 juillet et finit le 23 août. C’est court et heureusement : tout le monde voudrait être un lion. Alors, une lionne, vous pensez bien. En été, ses longs poils en corolle tout autour de son cou indisposent le lion. Alors que la lionne pas du tout. La nuque dégagée et les narines débarrassées de tous ces poils dans le nez, la lionne se promène, lascive et indolente au milieu de tous ces lions que la crinière gêne. Ils économisent leurs pas. Ils suent. Ils passent leurs journées allongés.

La lionne en les regardant a comme un rire intérieur. Elle garde pour elle le secret du ciseau, l’existence du coiffeur.

Quatre mains

Enlever tout ce qui n’est pas nécessaire et respirer un peu.
Enlever toutes les couches inutiles et aimer ce qui reste.

Aimer tout ce qui reste, ne serait-ce que pour un zeste.
Aimer le zeste et les pépins.

Réserver le zeste et avaler les pépins.
Réserver le reste et manger dans ta main.

Sixième promenade : à pied sur mon vélo


Le vélo est un bon compagnon.
Léger, souple, agile. Géométriquement épuré : deux triangles et deux cercles suffisent à transporter une femme ou un homme dans le silence absolu. Juste le cliquetis soyeux de la roue libre au moment où la vitesse libère les pédales.

Le vélo est un ami fidèle mais pas toujours fiable : son poids varie en fonction de l’inclinaison de la pente ou de la vitesse du vent. Dans les montées où je peine, ou à plat, face au vent, ce cadre posé entre mes jambes pèse des kilos et des tonnes. Devant moi, la route enroule ses lacets. Je souffle, je transpire, je coule.
Ce vélo n’avance pas. C’est le cadre trop lourd, ou les pneus dégonflés qui se collent au goudron. Ou peut-être mes jambes. J’ai le souffle trop court dans les montées trop raides, c’est une loi physique et moi,  je n’ai pas l’esprit des lois.

Alors je m’arrête et je souffle. Je regarde les lacets de la route. Les prés et les arbres. Les nuages qui passent plus vite que moi. Les chèvres qui broutent. Je me dissipe. Je m’oublie. Mon vélo s’ennuie. D’autres cyclistes passent, arqueboutés sur leurs pédales et considèrent ce frère inférieur assis sur le bord de la route. Ils se mettent en danseuse, les pieds sur les pédales, tout droit vers le sommet. Ils ont un but. Un plan. Un temps.
Moi, je n’ai pas de plan. Je reprends mon souffle. Je regarde le ciel immobile. Je pense à un dimanche. À des chèvres qui broutent. À un arbre. À deux couvertures blanches.

Je suis un cycliste au bord de la route. 

Cinquième promenade : retrouver la nuit rouge

Huit années bissextiles sont une éternité.

Mais les mots ont ouvert une brèche qui a laissé passer les mots. Les couleurs. Les odeurs. La neige est froide et bleue, l’été une saison. Nous marchons dans le jour et c’est de la poussière. Ça, c’est de la pluie et ça sent bon. Nous reconnaissons la soif et la faim. Les glaçons dans l’eau et les bulles légères. Nous retrouvons le parfum du monde comme au début du monde et le soleil se couche, au fond du balcon.

Je promène mes mots et une saison nouvelle.
Nous marchons vers le froid qui appelle la neige,
Quand un coup de soleil vient éclater l’hiver.
Faire fondre mes flocons.
L’hiver est là et j’ai plus chaud que froid.
L’été dure tout l’hiver.
Tout le printemps.
Il faudrait éteindre ce soleil.
Baisser ces stores.
Refermer ces volets.
Ce soleil ne se couche jamais.

Huit années bissextiles depuis ce premier janvier. Un nouveau parking et c’est presque l’été. Je sors du souterrain dans le bruit de la ville. Autour de nous, des automobiles. Au bout du chemin, une porte qui s’ouvre et je reconnais

Le sol qui gronde.
Et la musique liquide
Comme une eau noire et blonde.
Les femmes que la musique enlace,
Les yeux clos ou le regard ailleurs.
Les femmes qui dansent
Tout au bout de leurs jambes
Que les talons soulignent
D’un point d’extension.
Une courbe dangereuse
Qui rejette leur tête au-dessus du vide
De leur dos suspendu.
Au milieu du cercle rouge,
Dans le rayon de lumière rouge,
Elle fait danser sa minirobe rouge.
Fait se lever un soleil blond.
Elle me fait le cadeau d’une nuit nouvelle.
Plus belle.
Plus noire.
Plus rouge.
Enfin.

Quatrième promenade : s’envoler du jour pour parler de la nuit

Les années se succèdent en années de plomb. En années de jours et plus jamais de nuits. Des années uniformes. Des jours de huit heures. Des jours de douze heures. Des jours qui se prolongent jusque tard dans la nuit.

Les jours se suivent, se ressemblent et s’assemblent. Les jours se lient sans plus jamais de nuits. Nous marchons fatigués le long des heures grises. Alignées devant moi, les semaines ont perdu leurs dimanches. Les mois ont perdu leurs saisons. Les années ont perdu leur raison. Mon regard fatigué prend le bleu de l’écran. Le bleu du ciel au-dessus des nuages, entre les continents.
Au milieu du temps suspendu, dans la fumée blanche des quatre réacteurs, des mots remontent à la surface et font un court-circuit. Alors, le personnel de cabine regagne ses sièges. Le personnel attend et les mots aussi.

Un jour de décollage, les mots s’envolent en direction du jour pour parler de la nuit.

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