La véritable origine de l’automne (34)

Résumé des  épisodes précédents
En une semaine chrono, Dieu crée le monde et la vie de couple.

Ève reprend la feuille de bananier qu’elle a déposée délicatement sur le sol. Elle arrose abondamment. Adam s’étrangle et s’étouffe. Elle retourne vers le fleuve, refait le plein, fait couler doucement un filet d’eau fraîche sur la tête meurtrie du petit serpent qui se rétracte un peu plus sous la morsure du froid. Ensuite, elle laisse sécher et elle attend.

– J’ai mal.
– Tais-toi !
– J’ai mal. J’ai très mal.
– Ferme-là maintenant.
– J’ai soif.
– Ta gueule Adam.
– Et je vais rester là au soleil pendant combien de temps ?
– Le temps que ça sèche.
– Et ensuite ?
– Mais tu peux pas la fermer, ta bouche ?
– Tu as cassé mon petit serpent.
– Ceci n’est pas un serpent. C’est un bout de toi tout mou.
– C’est pas vrai. Tu as bien vu tout à l’heure.
– Tout à l’heure, j’ai juste vu un type avec un regard de fou.
– Il était plus gros.
– Tu crois que tu pourrais juste te taire, juste un moment ? Juste un tout petit moment. Il faut que je réfléchisse.
– Beaucoup plus gros.
– CHUT !
– Et aussi beaucoup moins mou.
– Je vais te le faire bouffer, ton petit serpent.

Adam se tait et se recroqueville. Il boude. Sans un mot, Ève s’assied à côté de lui qui se déplie, roule sur le côté et lui tourne le dos, son dos évasé, traversé par le long sillon de la colonne vertébrale.
Elle pose doucement une main sur l’épaule lisse de l’étalon imberbe qui sursaute en gémissant.
– Qu’est-ce que tu fais ? Enlève ta main !
– C’est curieux, ta peau, elle est lisse, douce…
– Laisse ma peau tranquille !
– Aucun poil, juste un petit duvet, une peau de fille, on dirait.
– Et pourquoi j’aurais des poils, hein ?
– Je ne sais pas moi, pour avoir plus chaud quand il fait froid.
– Jamais entendu quelque chose d’aussi stupide. Ici, il ne fait jamais froid.
– Alors, pourquoi tu restes là, roulé en boule comme un hérisson ?
– J’ai mal.
– Mais non. Tu n’as plus mal. Allez, détends-toi. Allonge-toi sur le dos.
– J’ai très mal.
– Oh oui, tu souffres. Laisse-moi faire et tout ira bien.

Ève soulève doucement les deux mains d’Adam. Doucement. Centimètre par centimètre, alors qu’il gémit faiblement. Ouille. Aïe. Une brise légère vient caresser son bas-ventre. Il frémit, il frissonne, il pâlit. Du bout de l’index, elle soulève délicatement l’extrémité du membre meurtri.
Adam a un soubresaut.
– Surtout, ne bouge pas.
– Lâche ça. Lâche ça tout de suite ! Tu vas le casser !

Ève ne répond pas. Elle glisse sa paume sous le petit corps souffrant, referme lentement ses doigts autour du serpent surpris qui passe son nez par la fenêtre et se redresse vivement.
Adam produit une forme nouvelle de gémissement.
– C’est ça mon grand. On se relâche. On se détend.
– Mais qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que tu fais ?
– Dans une vie antérieure, j’étais charmeuse de serpents.

La véritable origine de l’automne (33)

Résumé des épisodes précédents
En une semaine chrono, Dieu crée le monde et le couple qui se déchire déjà.

Une feuille de bananier à la main, Ève s’en va vers le fleuve, chercher un peu d’eau. Le grand blessé agonise, il halète, il gémit, il dit ouille, aïe, ça fait très mal, mon petit serpent est cassé, mon petit serpent va mourir.
– Fais-moi voir ton petit serpent.
– Tu rigoles, jamais de la vie !
– Fais-moi voir, je te dis.
– Non. Plutôt mourir.

Le roi de la création. Vraiment. Elle se penche vers le gisant qui retrouve d’instinct la position du fœtus qu’il n’a jamais été. Elle lui ordonne de s’allonger. Sur le dos. Surtout ne pas avoir peur. Se détendre. Tout va bien se passer. Elle lui prend les mains qu’il a toujours repliées en coque sur son petit membre meurtri. Peu à peu, il se relâche, il desserre l’étreinte, il se laisse aller.
– Ah oui ! Quand même.
– Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Ton petit serpent, il a presque disparu.
– Mon petit serpent a disparu ?
– Je me demande si tu es sourd ou si tu es con.
– Mon petit serpent ! Mon petit serpent !
– En fait je pencherai plutôt pour la deuxième solution.
– La deuxième solution ?
– Oui. Tu es vraiment con.
– Mon petit serpent !
– Vraiment très con.
– Je veux voir mon petit serpent.
– Calme-toi, le voilà, regarde, il est toujours là, tu vois. Seulement, il faut bien dire qu’il a un peu rétréci.
– Un peu rétréci ? Un peu rétréci ! Mais regarde, il a disparu, oui.
– C’est curieux, en effet.
– Je crois que je vais m’évanouir.
– Ah non, ça suffit. Laisse-moi faire.
– Jamais.
– Laisse-moi faire, je te dis !

Scène 7 (Cont.5 & fin)

Madame H. : Vous pourriez m’accompagner à tous les défilés.
Patrizia : Je m’entraîne parce je veux voir mes muscles, vous comprenez ? Pour être sûre qu’ils sont encore là, bien durs, bien souples. Je m’entraîne pour reprendre ce que je vous ai donné.
Madame H. : 75’000 Euros, c’est donné.
Patrizia : Évidemment. Tout se règle par chèque avec vous. Tout. Le pain, le lait, les hommes, le sang frais…
Madame H. : Je vous l’ai dit : Je suis prête à vous dédommager selon les termes du contrat. Et même au-delà.
Patrizia : Je ne suis pas une infirmière.
Madame H. : Je suis en excellente santé.
Patrizia : Un jour, il faudra vous laver. Vous habiller. Quelqu’un devra changer vos couches.
Madame H. : J’ai déjà pris mes dispositions avec une clinique privée.
Patrizia : Ah oui ? Et qu’est-ce que vous allez faire avant d’aller mourir dans vos draps de soie ?
Madame H. : Travailler. Voyager.
Patrizia : Je ne veux pas de votre dédommagement.
Madame H. : Je vous demande pardon ?
Patrizia : Pareil pour votre appartement, votre école, vos défilés de mode. Vous croyez quoi ? Qu’on achète les gens deux fois ?
Madame H. : Je crois ce qui est écrit dans le contrat.
Patrizia : Alors, on déchire le contrat.
Madame H. : Vous êtes complètement folle.
Patrizia : Non, je ne suis pas folle. J’ai encore la vie devant moi.
Madame H. : Vous voulez plus d’argent.
Patrizia : C’est dommage. Vous auriez pu être quelqu’un d’aimable.
Madame H. : Qu’est-ce que vous voulez ?

Patrizia : Sort une feuille de papier. Lit.

« Nous recherchons une jeune femme âgée de 20 à 25 ans de type caucasien, non-fumeuse, disponible pour une expérience clinique d’une durée de six mois. 

Nous offrons :
Un séjour gratuit dans un établissement hôtelier de premier ordre situé dans les Alpes suisses incluant un centre de remise en forme, un spa et un espace beauté.
Une prise en charge complète de tous les frais annexes occasionnés durant cette période.
Un salaire mensuel net de 9’500.- Euros.

Nous demandons :
Une formation universitaire, de préférence en psychologie ou en sciences sociales.
Une parfaite maîtrise de la langue française.
Une grande flexibilité et une disponibilité totale pendant toute la durée de l’expérience.

Les candidates retenues en vue d’une première sélection  devront obligatoirement appartenir au groupe sanguin A+. Elles feront l’objet d’un bilan de santé et d’un examen médical qui seront également pris en charge par nos soins.

Les candidatures incluant un Curriculum Vitae avec une photo récente sont à envoyer à contact@clown.me »

J’ai laissé votre adresse. Je vous fais confiance pour trouver la bonne personne. Après tout, vous avez fait le bon choix, la première fois.

Scène 7 (Cont.4)

Patrizia : Vous n’êtes pas encore assez petite pour aller à l’école.
Madame H. : Vous seriez mon assistante.
Patrizia : Les choses ne s’arrangent pas.
Madame H. : Chaque appartement a sa propre entrée.
Patrizia : Les choses ne se réparent pas.
Madame H. : Et il y a le contrat. Vous serez dédommagée.
Patrizia : J’ai été endommagée.
Madame H. : Il n’y a pas la mer mais le lac est tout près.
Patrizia : Il manquera les vagues. Et le soleil. Maintenant, j’ai froid. J’ai toujours froid. Regardez mes mains, elles sont transparentes. Vous avez pris ma couleur. Vous avez pris ma chaleur. Vous avez chaud, n’est-ce pas ?
Madame H. : On a toujours chaud quand on court.
Patrizia : Vous avez chaud. Vous avez faim. Vous dormez bien. On dort toujours bien quand on court.
Madame H. : Je pensais que les choses allaient s’arranger.
Patrizia : Paolo a sept ans et moi j’ai un appartement avec une grande armoire dans la chambre à coucher. Les robes sont triées par couleurs. J’aime bien les imprimés graphiques. Le rouge. Les jupes fendues sur le côté.
Madame H. : Vous avez travaillé vos jambes.
Patrizia : Je continue à nager.
Madame H. : Et vos mains.
Patrizia : Important les mains. Les pieds aussi. J’ai gardé vos escarpins mais je préfère les sandales à talons pour l’été. J’aime quand le pied est dénudé. J’ai une paire de sandales dorées, très simples, juste deux lanières, que je porte avec une robe droite, couleur sable et fendue des deux côtés. Le col à ras du cou et derrière, un grand décolleté.
Madame H. : Et vos épaules.
Patrizia : Près de chez moi, il y a la salle où je m’entraîne.