Le Mont Blanc joue à cache-cache. Il est passé par ici, il repassera par là. Le Mont Blanc est un mirage, une illusion, un nuage qui danse au fond d’un paysage. Le Mont Blanc est bleu, oultremer, indigo, entarté de coulées de crème figée d’effroi et de soleil.
Une bouffée de chaleur remonte de la vallée, cogne avec vigueur aux parois de plexiglas de notre cabine à huit places. Huit places, huis clos, où est la mer et c’est par où le Mont Blanc ? Huit places à vingt mètres au-dessus du vide ou deux cent skieurs dans un goulet d’étranglement ? Trois mille personnes, chaque heure, soulèvent leurs fesses pour s’extraire des sièges débrayables qui les déposent directement sur le plancher de la terrasse orientée plein sud, c’est pour le bronzage, pour parler de la pluie en face du soleil, pour parler de l’hiver en face du printemps, pour parler de la mer en face du Mont Blanc.
La planète se réchauffe, on mourra tous demain. Demain, il n’y aura plus de neige, c’est sûr. On sera bien embêtés. Alors, qu’est-ce qu’on fera demain ? Demain, on ira parler ailleurs. On transportera nos névroses sur nos plateaux-repas tout au fond de la jungle ou au milieu du désert, imperméables à la beauté du monde, nos corps bien à l’abri de notre bulle à huit places. Nous continuerons à parler de la pluie et du beau temps, impassibles au milieu des océans. À produire des sons pour remplir le silence et notre vide immense.
Parler comme si nos mots n’étaient pas comptés, comme si un jour pas si lointain, nos mots s’effaceront à force d’avoir été usés.
Tiens, regarde! Tu le vois, le Mont Blanc ?