Jour de réouverture

Deux heures dans sa voiture.
À l’arrêt ou au pas.

Il faisait si beau ce jour-là. L’été passait la tête par la fenêtre. Sortait ses draps frais, les faisait claquer au vent, donnait un coup de peigne aux feuilles du printemps.

Il faisait si beau et pourtant, une longue file de voitures marinait sous le soleil montant, une procession de moteurs infiniment tristes, infiniment ronflants. On avance, on avance à peine, on se bat à plusieurs pour un seul centimètre. Dans l’habitacle on s’impatiente. Fait trop chaud et ça sent l’essence. Heureusement, il y a ce petit bouton qui isole l’habitacle des mauvaises particules. Ce petit bouton qui isole de tout, parce que dehors, il y a la pollution, parce que dehors, il y a ce maudit virus en suspension.
Chacun chacune, tous enfermés à double tour dans une capsule. Vitres fermées. D’aucuns masqués parce qu’on ne plaisante pas avec la sécurité. D’autres écrivent des messages, penchés sur leurs téléphones portables.

Dehors, il faisait si beau, on avait un peu retrouvé le droit de sortir, se promener, regarder le monde comme il avait changé.

Dans le bouchon aux odeurs de friture, c’était jour de réouverture.
Allô, oui ? Ah, c’est toi ! Bah oui, toujours pas. Bah oui, ça fait deux heures que je suis là. Incroyable, ils ont tous eu la même idée. Les cons. Encore 4 bagnoles devant moi. Oui, je sais. Non, j’ai pas oublié. Avec 3 grandes frites. Et la sauce barbecue. Oui, j’arrive bientôt. Mais qu’est-ce qu’il faut pas faire pour acheter un McDo.

Avions en papier

Ce voile.
Ce voile léger.

Il fait froid et la bise aigre, la bise vinaigre.
Le printemps pourtant, mais ce voile glace et blanc, livide, ce voile reste là tout le temps. Les fleurs se figent et les couleurs hésitent. Le ciel est d’un bleu givré. Plus rien n’est franc, net, précis. Plus rien n’est clair. Plus rien n’est vrai.
On se frotte les yeux, mais rien n’y fait.
Il reste toujours ce voile.
Ce voile léger.

Ce nouveau filtre de notre réalité.

Rien n’a changé et pourtant, tout s’est décalé. Dans les rues désertes nos yeux se heurtent au front des panneaux publicitaires. Des avions de papier. Une hôtesse au sourire millimétré. Son maquillage. Son geste qui nous invite à prendre place dans le siège baigné de lumière et la mer, toujours la mer, allongée sous le ciel derrière le hublot.
Aujourd’hui le siège est vide.

Nous ne sommes que des passagers.

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