Pas que refuse d’apporter ma contribution au financement de la route et du rail, mais la Confédération qui m’héberge avait exagéré. Vraiment. Trop c’est trop. J’ai pris mon téléphone et appelé le fisc. Obtenu une audience avant de sombrer corps et biens. J’arrivai livide et prêt à livrer mon dernier combat. On me laissa mijoter un peu dans une antichambre ouverte à tous vents. Il y eut un bruit de porte et un quarantenaire chaleureux apparut pour me tendre une main franche et vigoureuse.
Je m’étais préparé à un croque-mort.
J’ai pensé qu’ils étaient supérieurement organisés. Qu’ils avaient vraiment tout prévu. Qu’il n’y avait plus rien à faire. J’ai donc mis mes pas dans ceux du type sympathique. En route vers la banqueroute. Avec le sourire, s’il vous plaît.
Nous nous asseyons. Il allume un ordinateur qui n’attendait que ça et en voiture Simone. J’explique ma douleur, l’effroi qui me saisit à la vue des dernières factures. Il compatit. Exhibe des tableurs explicatifs qui montrent bien à quel point je suis cuit. Frit. Prêt au sacrifice. Il connaît ça. Lui aussi il a des charges : une première épouse, une deuxième épouse, une petite fille. Une pension alimentaire. Un logement. Des assurances. De la confiture pour rehausser le goût du pain. Et là, au cœur de l’antre brûlant du fisc, s’opère un imperceptible glissement qui nous éloigne des chiffres pour nous rapprocher des mots. On dirait une ébauche de dialogue. Une esquisse de relation humaine, comme un sentiment de fraternité diffuse qui s’insinuerait entre nous.