Si tous les gens qui n’ont rien à dire se taisaient tous ensemble, imaginez un peu le silence.
Si tous ces gens fermaient leur bouche une bonne fois pour toutes, ça nettoierait à grande eau le globe spongieux qui clapote entre nos deux oreilles. On serait lavé des hypothèses foireuses, des conjectures creuses, du vomi des prophètes en simili, aux visages plus maquillés que des Solex tunés.
On aurait tant besoin de faire le vide. De se recueillir. De s’incliner sans un mot devant cet amoncellement de cadavres. On aurait tant besoin de temps. Le temps de remplir les fosses communes et de les recouvrir d’une terre provisoire. Le temps d’un geste ou d’une prière, pourquoi pas une prière, qui ne serait pas Notre Père mais grand-papa, mamie, ma mère.
Dehors, les rues sont vides et le ciel aussi. Un moteur lointain tourne au ralenti. Une cloche sonne midi.
Le moteur se tait.
Aucun éclat de voix, juste un bruit de pas qui s’approche, s’éloigne et disparaît.
Surpris, on écoute alors monter le son du silence.
Pendant ce temps, les gens qui n’ont rien à dire continuent de parler pour remplir le vide qu’ils ne cessent de creuser.