L’horoscope de la femme cancer (8ème partie)


Nous avions quitté le Princes Charles sur la terrasse de Balmoral Castle, empli d’un bonheur timide qui n’osait murmurer son nom.

Les circonstances du départ furent simples et émouvantes. Camillus coinça avec peine son unique mallette dans le coffre exigu de l’Aston Martin grise qui n’est surtout pas une voiture de livreur. Une DB5 née en 1965 ignore les contingences futiles de votre vie pratique. Elle roule. Elle règne. Elle gronde souplement sur la route agile. Le coffre fut refermé à grand peine et annonça la cérémonie des adieux.

Les deux hommes se prirent tendrement aux épaules pour se murmurer des promesses. Camillus fit un demi-tour et avança la main vers la poignée chromée qui émit un clic léger. La porte s’ouvrit et l’habitacle de cuir et d’acier éteignit d’un seul coup la flamme des boucles fauves. Contact. Moteur. Bruit d’échappement. Charles, le regard flou tendit une main vague alors que l’Aston avançait, millimètre par millimètre, centimètre par centimètre, pour entrer dans l’ailleurs et s’arracher de lui comme un clou.

Il ne resta de Camillus qu’une trace légère et un peu de poussière dans le soir blanc. Sortie sur le perron, Harriet vit le Prince de Galles toujours immobile, le regard fixe sur un point disparu. Elle s’approcha de lui et lui parla doucement, comme au temps des confitures d’orange, au temps où Charles portait encore des bretelles pour retenir ses culottes courtes. Elle lui prit la main.

– Charles, il est temps de renter, maintenant.

L’horoscope de la femme cancer (5ème partie)

Nous avions quitté le Prince Charles, la main dans la main de Camillus, sur le perron de Balmoral Castle, Écosse.

Au contact prolongé de cette main tiède et puissante, Charles, Prince de Galles, renaît. Le monde est revenu à sa place. Il sent sa cage thoracique qui s’ouvre. Il sent pour la première fois cette odeur de fumée dans l’air froid de l’automne. Il est entre de bonnes mains, entre de vraies mains. Charles voudrait parler mais les mots restent collés au fond de sa gorge et c’est Camillus qui rompt le silence.

– Tu te souviens, Charles ? Il faisait si beau ce soir là.
– Je me souviens.
– Il avait plu tout le jour et le ciel s’était éclairci. Nous regardions le soleil orange tomber dans la mer.
– Et tu m’avais dit que nos chemins allaient se séparer.
– Exact. Toi le Prince de Galles et moi le prince blanc du blues électrique.
– Je t’ai suivi. Depuis le premier vinyle en 1968, jusqu’au dernier. Jusqu’à l’arrêt. Jusqu’à la fin.
– Il faut bien une fin, Charles, tu le sais bien. Le Flower Power était un rêve. Le rêve. Ensuite le commerce est revenu racheter la musique et les musiciens.
– Oui. Les choses sont rentrées dans l’ordre des choses. Tu es agent immobilier, maintenant. Je suis Prince de Galles. Nous aurions dû fuir. J’aurais dû partir à Paris, monter sur les barricades. Malheureusement, j’aime le polo.
– Et moi j’ai vendu mes guitares.
– Alors, il ne reste vraiment plus rien de nous.
– Il reste quelques photos passées et ta main dans mes cheveux.
– C’est ce que je dis, il ne reste plus rien. Non, ce n’est pas vrai, je te regarde et je te revois. Je te reconnais. Tu es encore Camillus et je suis encore Charles.
– Et pour quelques années encore, nous ne sommes pas morts, que je sache.
– Je ne sais pas. Je crois que je suis mort depuis des années, Camillus. Je suis mort et je ne le savais pas. Je le découvre maintenant que tu es là.
– Allons Charles, nous nous retrouvons après tout ce temps et tu m’apprends que tu es mort.
– Tu as raison. Je ne t’ai pas fait venir ici pour mon enterrement. Il s’agit d’autre chose, c’est délicat, et je n’aurai que deux jours pour te convaincre. Deux jours, le temps nous est compté.
– Charles tu me fais peur, qu’y a-t-il de si délicat pour que tu aies besoin de deux jours pour m’en parler.
– Pas ce soir. Pas maintenant. Ce soir, nous célébrons nos retrouvailles. Harriet a préparé ton kidney pie. Tu te souviens de Harriet ? De ces déjeuners qu’elle préparait rien que pour nous pendant que mère était à l’étranger et que nous avions tout le Palais rien que pour nous ?
– Je me souviens de Harriet. Je me souviens de tout Charles. Moi aussi, je n’ai rien oublié.

– Alors rentrons. Il fait froid, maintenant.

L’horoscope de la femme cancer (4ème partie)


Nous avions quitté le Prince de Galles alors qu’il dévalait l’escalier de la plus haute tour de Balmoral Castle, Écosse.

Charles se tient debout devant la large porte d’entrée en bois de chêne. Derrière lui, le lierre lancé à l’assaut de la façade principale rougeoie dans les dernières lueurs du crépuscule. Un feulement sourd traverse l’air froid. Charles reconnait le son moelleux émis par les entrailles mécaniques d’un moteur britannique qui a écrit l’histoire. Une carrosserie à la mesure du galbe d’Ursula Andress qui l’habita avec grâce en 1965, pendant que Sean Connery se chargeait des vilains.
Le grondement velouté du moteur se matérialise et les pneus souples d’une Aston Martin DB5 grise font tendrement crisser le gravier de l’allée. L’Aston s’immobilise. Une silhouette sombre émerge de l’habitacle. Dans l’obscurité naissante, Charles devine la même masse de boucles lourdes, le même pas élastique. Le temps s’arrête.

Le visage de Camillus rentre peu à peu dans la lumière, et c’est le choc. C’est le même visage. Le visage aimé. Il y a bien quelques rides et quelques ombres de plus. Les yeux se sont peut-être un peu creusés. Mais la bouche est toujours pleine et le nez arrogant. Les boucles sont épaisses et d’un roux flamboyant, qui pâlit à peine sur les côtés. Charles est saisi. D’un seul coup, leurs regards se croisent, leurs mains se touchent et se prennent. Ils se sourient sans pouvoir se parler, encore. Leurs mains se serrent et ils se sourient, encore.

Septembre est saisi et se fige pour regarder deux hommes qui se sourient sur le perron de Balmoral Castle.

L’horoscope de la femme cancer

Sweet Lord.

À l’instant où j’émerge des rayonnages poussiéreux où me plonge la confection scientifique de cet horoscope, à cet instant précis où les mots s’assemblent pour former ces lignes qui regardent le futur jusqu’au fond des yeux, à cet instant unique où les montres tremblent, je retiens ma plume et mon élan se brise.

J’hésite à poursuivre, mais pourtant il le faut. Depuis trois jours déjà, nous sommes entrés dans le temps du cancer et il faut livrer la marchandise. Donner le futur en pâture à une horde de naïades nées entre le 22 juin et le 22 juillet. Livrer un terrible secret. Alors voilà.

Mesdemoiselles, Mesdames. Il s’agit de William de Galles. William Arthur Philip Louis, né le 21 juin 1982 au Mary’s Hospital de Paddington à Londres. Je sais. Je connais toute la charge érotique liée à l’évocation du corps souple de ce jeune homme anglais qui perd ses cheveux avant l’âge. Il est beau comme sa mère. Il porte les jupes de son père. Il est Anglais comme sa grand-mère. Il lit couramment. Il conduit à gauche. Il a le visage doux et le pied ailé. Il a le frère roux. Eh bien, si ce Prince que toute l’Angleterre couve de ses yeux énamourés est bien le fruit des entrailles de Diana, le papa n’est pas celui qu’on croit. Voici pourquoi.
La vie à la cour d’Angleterre est réglée par une étiquette stricte qui ne laisse que peu de place à l’intervention du hasard ou de la fantaisie, sauf pour le choix des chapeaux. Alors, en matière de prince héritier du trône, imaginez un peu la somme de conditions à remplir pour que le poupon soit digne et propre sur lui. Le protocole prévoit tout, de la phase de la lune qui illuminera le royal coït jusqu’à la tenue recommandée pour l’accomplissement optimal d’icelui. Il existe une règle cachée, une condition ignorée de tous qui a toujours été respectée depuis le  décès d’Anne de Grande Bretagne, le premier août 1714. Cette règle secrète précise que les deux géniteurs royaux doivent impérativement partager le même signe astrologique pour que le ciel permette au fruit de leurs entrailles de passer sans encombre le cap de la première semaine. Il faut dire qu’à elle seule, Anne comptabilisait treize fausses-couches, ce qui donne à réfléchir.

Le 29 juillet 1981, Charles épouse Diana et vice-versa. Peu de gens le savent, mais le Prince Charles est bien né le 14 novembre 1948, alors que Diana pas du tout. Et c’est bien là tout le problème. D’un côté, Charles, scorpion. De l’autre côté, Diana, cancer. Au milieu et peu pénétrée par les choses de l’amour, la reine Elizabeth ordonne à Charles de se retirer. Charles s’exécute, la mort dans l’âme. Diana sombre dans l’anorexie. Butée, la Reine attend. Les fronts se rident. Les fronts se creusent. Penchée au sommet de la tour haute, Diana regarde le vide le regard vide. Sous la jupe, Charles s’amollit. Sous le diadème, la reine réfléchit. Big Ben sonne cinq coups.

Tea time.

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