Woman in love

I am a woman in love

Aujourd’hui, menu saucisse. Saucisse de veau. Saucisse de porc. Garniture à choix.

And I do anything

Salade de céleri. Salade de pâtes. Salade de chou rouge. Taboulé. Salade riche.

To get you into my world

Mesdames, aujourd’hui, promotion sur tous les bas et les collants. Retrouvez-nous au quatrième étage pour cette promotion exceptionnelle, 20% sur tous les bas et collants.

And hold you within

Leur tarte aux pommes, elle est trop bonne. La pâte, elle déchire, et dessus, ils mettent un truc genre sauce à la vanille. Faut que t’essaies ! Trop mortel !

It’s a right I defend

La vieille dame a renversé son café, éclaboussures noires sur le sol. Elle regarde partout, effrayée. Une employée arrive avec un chiffon. Excusez-moi. Excusez-moi mademoiselle. C’est rien madame, c’est rien, je vais essuyer. Excusez-moi. Je vous dis que c’est rien. Allez vers ma collègue, elle vous fera un autre café. Je suis tellement maladroite. J’ai prévenu ma collègue, allez chercher un autre café. Je vous donne du travail, n’est-ce pas ? Mais non. Mathilde ! Tu peux remplacer le café de madame ? Voilà madame, c’est rien, allez chercher votre café.

Over and over again

Vous avez votre carte client ? Merci. Voici en retour pour vous. Et votre ticket. Merci et bon appétit.

What do I do ?

Les estomacs se remplissent. Les fourchettes tintent dans les assiettes. Un monsieur carré mange méthodiquement, le nez dans son assiette, il enfourne, systématique, bouchée après bouchée, sans reprendre son souffle, coureur de fond, mâcheur de compétition.

Barbara reprend. Laisse tomber sa robe. Son amour-propre. Reprend, nue et seule au milieu de la scène.
I am a woman in love
And I do anything
To get you into my world
And hold you within
It’s a right I defend
Over and over again
What do I do?
Qu’est-ce que tu fais ici, Barbara ? Entre un buffet de salades et un plat de pâtes carbonara. Ta voix coincée entre une escalope de dinde et une tarte au chocolat. Ta voix tendue, voilée. Ta voix de femme. Amoureuse.

Ils mâchent. Ils déglutissent. Ils parlent. Ils rient parfois. Moi je me demande pourquoi il faut à toute force remplir de musique ces espaces qu’on traverse pour acheter un rouge à lèvres ou manger une tarte à la crème. Ces étendues de vide remplies à heures fixes par une foule avide de salade mêlée ou de lessive en poudre n’ont rien à voir avec le chant d’une femme amoureuse qu’on devrait seulement écouter tout seul dans le noir.

Auteur : Nicolas Esse

Depuis 1962, je regarde les nuages qui passent avant d'aller mourir.

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