Discours de Bill Gates à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du 49ème Forum Économique de Davos

Trois ans. Trois ans déjà, chers amis, vous en souvient-il ? Il y a trois ans sur cette même estrade, je vous parlais de la peur. De l’angoisse que j’éprouvais à l’idée de voir une horde de clodos faméliques venir mugir dans nos campagnes, égorger nos fils et nos compagnes, saccager l’acajou de nos yachts et balancer sur nous de grands coups de tatane.
Pour vous dire la vérité, très nantis amis, j’ose à peine vous dire que j’avais déjà réservé mon billet pour aller sur Mars avec quelques compagnons de fortune. Nous y aurions mené une existence paisible, entre gens de bonne société, loin du chaos et des cris indécents de tous ces crève-la-faim qui tueraient père et mère pour un steak d’agneau.

Mais voilà.
La PANDÉMIE.
Personne n’y avait pensé. Personne. Même pas moi.

Au moment où le bon peuple allait sur nous retourner son courroux, un virus est né, qui vient nous sauver. Ah ça, on peut dire que ça a bien calmé tous ces gueux qui voulaient s’en prendre à notre fric. Intubé à l’hosto, on est nettement moins révolutionnaire et ses idées écolo-égalitaires, on peut se les enfoncer bien profond au fond de ses poumons.
Ah putain, on a eu chaud.
C’était moins une mais voilà. Je vous le dis, ce virus, c’est la providence qui nous l’a envoyé. Il y a une année, il fallait qu’on partage. Je me souviens de ce professeur, ici, sur cette même estrade, qui voulait qu’on paie des impôts. Des impôts, vous vous rendez compte et pourquoi pas une distribution gratuite de pognon ? Ah les cons ! Ah les cuistres !
Aujourd’hui, plus question de révolution. On est revenus aux basiques, aux vraies valeurs. Travail, s’il en reste. Famille, rétrécie. Patrie, cadenassée. Et un masque sur ta bouche au cas où tu aurais encore envie de l’ouvrir, de réclamer du pognon, de l’air pur ou de l’égalité.
Je dis pas, même pour nous, les happy few, cette situation a pu engendrer de sérieux contretemps. Tous les tournois de golf ont été annulés. Pareil pour les bals de débutantes et pour nos œuvres de charité. Mais qu’est-ce que cela, au regard de la populace confinée pendant des mois dans vingt mètres carrés remplis jusqu’au plafond par des provisions de pâtes et de papier de toilette ?

Mais surtout, chers amis, surtout ce virus insensé nous a rapporté gros, très gros. Et ce n’est que le début. Le 26 août 2020, mon très cher ami Jeff Bezos est devenu la première personne au monde franchir la barrière magique des 200 milliards de fortune. 100 milliards de plus rien qu’en restant ouvert pendant que les autres étaient fermés. Ah l’enfoiré ! J’aurais dû écouter mon père. Un jour, il y a longtemps, il était descendu au garage et il me regardait faire derrière mon écran. Il est resté là, sans rien dire, pendant un bon moment. Alors, je lui ai demandé :

– Ça t’intéresse papa ?
– Pas vraiment. Trop compliqué.
– Rien de compliqué. Je travaille sur un nouveau programme.
– Un nouveau programme. Tu veux que je te dise, tes trucs d’ordinateur, ça te rapportera rien. Tu ferais mieux d’ouvrir un magasin.

Cette année le forum de Davos aura lieu en mai à Singapour. Ainsi, les nantis resteront bronzés et les petits fours aussi.

 

Discours de Bill Gates à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du 46ème Forum Économique de Davos

Mes chers amis,

Autant vous le dire tout de suite, j’ai peur.

Il y a une année, nous étions encore 62.
62 nantis avec autant de pognon que 3 milliards et demi de pauvres. Les plus pauvres, ceux qui grattent la surface de la terre à la recherche de racines comestibles alors que l’indice Big Mac atteint à peine 4 dollars 80 aux États-Unis.
Une année plus tard, nous ne sommes plus que 8, mes potes et moi, plus que 8 à avoir autant de fric qu’une moitié de l’humanité. Pour être honnête, il faut dire que 2016 a été vraiment dramatique pour les miséreux.

Alors, réfléchissez un peu mes amis. Imaginez que 3 milliards et demi de nécessiteux soient à même d’effectuer une simple division (malgré tous mes efforts pour les priver d’éducation, voir mon discours de 2015) et qu’ils découvrent que le rapport de force en leur faveur se situe à environ 437 millions 500 mille contre moi. Que croyez-vous qu’il va se passer dans la tête de ces frustes esprits ?
Je vais vous le dire, moi, ce qui va se passer. Un beau matin, cette horde de sauvages en haillons va débarquer chez moi. Ils voudront manger à ma table et boire mon vin. Leurs corps sales se glisseront dans mes salles de bain. Leurs pieds écorchés convoiteront le cuir souple de mes chaussures et mes lotions hydratantes aiguilleront la concupiscence de leurs mains décharnées.

Ils se coucheront sur mes lits.
Ils conduiront mes voitures.
Ils fouleront mes pelouses.
Ils ne voudront plus porter que le parfum de mes roses.
Et surtout, surtout, ils seront beaucoup.

Alors, mes amis, que faire en attendant le jour inéluctable où ces hordes païennes viendront mugir jusque dans mes salons ? J’ai longuement réfléchi à la question. Et j’ai trouvé la solution ! Pour que les sauvages restent chez eux, il suffit de les empêcher de partir. Comment ? En les immobilisant. Le moyen ? Le gras ! L’excès de graisse, tout simplement.

Voici mon plan pour engraisser rapidement les couches les plus défavorisées de la population.

Tout d’abord, nous allons les gaver. Gratuitement. J’ai déjà un accord de principe des principales chaînes de restauration rapide étasuniennes. Elles pourront ainsi recycler leurs produits périmés et leurs huiles frelatées. Un peu sur le modèle de l’essence, vous voyez ? L’essence qualité africaine, vous savez, ce carburant toxique qu’on vent avec succès aux pays du tiers-monde. Eh bien, nous ferons pareil pour les hamburgers gratuits qui seront distribués à ces nécessiteux : aux ingrédients habituels, nous ajouterons un cocktail de produits chimiques qui favoriseront le développement rapide de leur masse graisseuse. Nous modifierons également la composition des sodas en ajoutant du sucre au sucre pour que la charge calorique soit en mesure de répondre à nos attentes en matière d’obésité.
Ensuite, et pour prévenir leur besoin naturel de bouger, ce sera ordinateur gratuit pour tout le monde avec accès Internet illimité. Enfin, quand je dis illimité, nous leur donnerons essentiellement du divertissement, des séries, vous voyez ?  Des séries et de la télé-réalité. Ces gens-là n’ont pas besoin d’être informés, encore moins d’être éduqués. (Revoir mon discours de l’année dernière.) Non. Ils ont juste besoin d’être assis. Assis derrière leur écran avec un plateau-repas toujours bien rempli. Quelque mois suffiront pour transformer ces corps faméliques en corps gras. En corps obèses. Et après, bonne chance pour l’invasion… Les chers barbares ! Je les vois d’ici essayer de faire trois pas avant marcher sur leur ventre. Ils pourraient bien être quatre milliards, ou cinq ou six, le temps que ils prennent les armes elles seront déjà rouillées.

Donc, mes amis, voilà le plan que nous avons préparé, moi et mes 7 compagnons de très grande fortune. Et n’oubliez pas qu’en nous protégeant, nous vous protégeons également, vous et vos tout petits millions. C’est ce que j’appellerai une opération gagnant – gagnant.

En parlant de gagnant, laissez-moi terminer avec une information qui pourrait vous intéresser. Si j’étais vous, j’investirai quelque argent dans Mc Donald’s ou Burger King. Ces deux sociétés seront les partenaires principaux de notre action intitulée « Un Hamburger Pour Tous ».  Nous n’allons toutefois pas investir notre argent dans une entreprise purement  philanthropique. Non. Faut pas rigoler. Ce sont les états qui seront sollicités. Les états. Les organisations internationales. Les organisations non-gouvernementales. Et les dons bien sûr, les dons. Grâce aux collectes que nous organiserons. Cet extraordinaire mouvement de solidarité permettra de financer tous les coûts liés à cette opération et fera grimper la valeur du steak haché jusqu’à des sommets encore inconnus aujourd’hui.

Alors, chers amis, je vous laisse dès maintenant vous pencher sur votre portefeuille d’actions pour que cette petite affaire se fasse au profit de tous. Vous voyez, nous sommes tellement trop riches, nous ne sommes plus que 8, mais nous aimons tellement trop partager.

Applaudissements, hourras, larmes de joie et délire bruyant dans la salle.

Discours de Bill Gates à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du 44ème Forum Économique de Davos.

Mes très chers amis.

Quel plaisir de revoir tous ces visages familiers, je voudrais saluer Bono bien sûr, que je vois au premier rang assis à côté d’Angelina Jolie et de Pharrell Williams qui nous a promis d’interpréter Happy en version acoustique après le déjeuner.
Happy, je le suis. Quel bonheur vraiment de pouvoir nous réunir pour cette parenthèse ouverte dans nos vies remplies d’obligations, de rendez-vous et de décisions à prendre, car en fait, dans ce monde, il faut bien le reconnaître, c’est nous qui décidons.

Cette 44ème édition sera entièrement consacrée au thème des inégalités sociales et plus particulièrement au fossé qui ne cesse de se creuser entre ceux que j’appellerai les superriches et les superpauvres.
Imaginez. Imaginez! Nous tous qui sommes ici, nous sommes les représentants d’un petit groupe d’individus, à peine un pour cent des habitants de la planète qui détient plus de la moitié de la richesse mondiale.
1 pour cent. Seulement 1 pour cent!
Calculez avec moi. Imaginons que nous, les superriches, soyons fusionnés dans le corps d’une personne. Imaginons ensuite que la richesse du monde est un gâteau de dix mètres  de diamètre que nous séparons en deux parts égales. Notre représentant aura donc une part de gâteau équivalente à une surface de 78.5 mètres carrés, ce qui me paraît un peu beaucoup pour un seul estomac, mais c’est la faute au gâteau.
Penchons-nous maintenant sur le cas des superpauvres et de leurs 99 représentants. Si je divise 78.5 par 99, j’obtiens 0.78 mètre carré par individu, arrondis au centième supérieur, soyons généreux avec les pauvres.

D’un côté une part de gâteau de la taille de ma salle de bains, de l’autre une portion de tarte qui tient dans une boîte à chapeaux.

Si nous considérons le fait que les études montrent que notre part de Saint-Honoré ne cessera d’augmenter dans les années à venir, que croyez-vous qu’il va se passer, mes chers amis ?
C’est très simple, un jour, les pauvres voudront manger tout ou partie de notre part de gâteau. Logique. Mathématique. Et c’est là que j’interviens et que je préviens le danger. En vérité, en vérité, chers amis, la solution est simple, si simple, il fallait juste y penser. Mon programme se résume en un mot : DÉ-SCO-LA-RI-SATION.

Je vois à la fois l’interrogation et la stupeur se peindre sur vos visages. Laissez-moi vous éclairer. Le problème posé par les inégalités n’a rien à voir avec la richesse ou la pauvreté. Non. Il s’agit uniquement d’une question d’éducation. Aujourd’hui les pauvres font le même calcul que moi. Le même CALCUL, vous comprenez! Mais si demain, on ferme leurs écoles, les pauvres, les superpauvres, ils ne sauront plus calculer, vous voyez! Ils ne sauront même plus qu’il y a un gâteau.
Alors ce gâteau sera enfin le nôtre, entièrement, pleinement.

C’et donc NÔTRE GÂTEAU, chers amis, que je vous invite dès à présent à manger à pleines dents, à plein gosier, sans retenue, et pour longtemps.

Applaudissements. Standing ovation. Bill Gates veut poursuivre mais la salle en délire l’en empêche. Alors il reste là debout et il sourit.

Je précise quand même que tout ça n’est que fiction. En réalité Bill Gates ne se soucie pas du sort des pauvres. On trouvera sur ce lien le rapport annuel d’Oxfam sur l’augmentation des inégalités économiques extrêmes.

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