Pour des raisons professionnelles, j’allais à Newcastle, riante bourgade du nord de l’Angleterre. C’était le printemps dans mon cœur en fête et aussi sur la terre, le long de la côte qui fait le tour du Lac Léman.
À Newcastle, quand je suis arrivé, vers 22 heures, il faisait froid, à vue de nez 4-5 degrés, et la pluie tombait à plat à cause du vent, des bourrasques de vent. En fait, c’était l’automne. En Angleterre c’est un peu l’automne toute l’année. Je détournai mon regard de ce ciel de chiottes pour sombrer à bras raccourcis dans la routine, l’hôtel insipide, le petit-déjeuner lyophilisé, les salamalecs d’usage, les réunions et les stratégies à mettre en place pour palier le départ de mon collègue désormais ex-vizir de cette sympathique succursale balayée par les vents froids. La journée s’achève. Je m’apprête à regagner l’hôtel mais l’ex-futur chef insiste : ce soir, pas question de manger seul, il faut absolument que nous nous retrouvions pour célébrer comme il se doit cette fin de règne. Il y tient. Moi pas. Il s’agrippe : quinze ans de dur labeur ne sauraient se conclure sans une ultime agape, un dernier toast, une dernière valse. De guerre lasse, je finis par lâcher. Célébrons ce débarquement comme il convient.
La voiture arrive, il est 18 heures 30 à l’heure anglaise et il fait nuit bien que nous soyons aux portes du joli mois de mai. Mon ex-futur collègue (la cinquantaine altière) me récupère dans le lobby, et me dit qu’il a invité sa nouvelle amie et la fille de sa nouvelle amie. Youpi. Je m’assieds dans la voiture et avant de dire bonsoir ou salut ou d’utiliser une autre forme de politesse pour faire honneur aux traditions anglaises, la donzelle en question me dit que j’ai de la chance ce soir, vu que j’ai pris l’option du dîner gratuit. Emporté par cet élan de fraternité, je lui réponds que mon boss magnanime consent à prendre en charge mes frais de subsistance dans le cadre de mes déplacements professionnels. Par conséquent manger seul représente donc une option tout aussi gratuite et peut-être plus sympathique, à la réflexion. Ensuite il y a un silence et on passe directement aux considérations météorologiques, l’Angleterre, le nord et tout ça. Le trajet se passe. On arrive devant une très jolie pizzeria en forme de bateau contemporain, en face de la Tyne, une rivière que je connaissais seulement par une chanson de Mark Knopfler. C’est le type qui a fondé Dire Straits, j’étais un fan absolu au début. Les 3 premiers disques, je les ai écoutés en boucle pendant des années. Et ça m’a fait quelque chose de me retrouver « on the quayside, down to the Waterline. » Pour illustrer mon propos, voici deux liens qui montrent le groupe à ses débuts : « Down to the Waterline« , qui démarre après deux bonnes minutes et « Where do you think you’re going. » Les initiés et les vieillards de ma génération apprécieront.
http://www.youtube.com/watch?v=Z5CPsssPOcw&annotation_id=annotation_242971&feature=iv
http://www.youtube.com/watch?v=_0kctKWoAjw&feature=related
Foin de nostalgie post-pubertaire et revenons à nos moutons. L’équipage sort du véhicule et je découvre enfin une grande bringue britannique d’au moins 180cm dans la quarantaine et sa fille encore plus grande, un peu plus de 20 ans à vue de nez refait. Toutes deux blondes, la maman qui s’efforce d’avoir l’âge de sa fille et la fille qui essaie de faire l’âge de la maman, qu’elles aient l’air de deux sœurs en somme.