Le Tour de Rien : la parole au vélo.

On va pas se mentir.
Les deux mois que je viens de passer dans le noir m’ont empêché d’apprécier tes soins d’hier à leur juste valeur.
J’ai bien senti la caresse du chiffon doux sur mon épiderme trop longtemps privé du contact de tes mains. Le nettoyage léger. Le dégraissage de la chaîne et du dérailleur. La dépose goutte après goutte d’une couche de lubrifiant frais sur mes maillons engourdis. Mes pédales qui tournent. Et les pneus que tu regonfles, pas trop, pour ménager ton derrière que l’absence de selle a ramolli. Tu vas morfler, tu le sais bien et comme chaque année tes fesses se serrent à la pensée du printemps.

Tu m’as posé à l’envers pour mieux nettoyer les surfaces que ma modestie réserve d’habitude aux seuls regards de l’asphalte. Ainsi offert, les quatre fers en l’air, j’ai tout le loisir de t’observer, de voir à quoi ressemble la bête au sortir de l’hiver.
Mais ma parole, c’est moi ou t’aurais pas un peu forcé sur la dinde de la nativité ? Tu me dis que tu as fait du ski. De randonnée. Sans dec ? Et ce relief rond autour de ta ceinture abdominale, tu penses l’aplanir en randonnant ? Chaque année c’est la même chanson. Revient décembre et tu me planques à la cave en me disant que les sports d’hiver vont te maintenir en jambes. Que tu me retrouveras en mars la cuisse fine et l’abdomen fuselé.

Et pourquoi pas en blonde cosmique pendant que tu y es ?

Tu sais, tu me fais penser à cette histoire que j’ai lue quelque part. Michel-Ange, tu vois qui c’est non ? Eh bien quand Michel-Ange regardait un bloc de marbre, il voyait immédiatement la forme cachée à l’intérieur. Ensuite, facile, il prenait son maillet et ces ciseaux, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il te dégageait de la pierre la Vénus de Milo.  Ou la Pietà, si tu préfères. Toi, c’est tout pareil. Quand tu te contemples dans le miroir, tu reconnais la forme de Fausto Coppi en filigrane sous le tissu adipeux. Seulement, pour que la silhouette de ton Campionissimo apparaisse un jour, faudrait d’abord que tu retires toute la graisse qu’il y a autour.

Et tu penses y arriver à coups de peaux de phoque ?

Alors, pour la millième fois, laisse tomber tes skis et les phocidés. Tes gants d’hiver, tu les gardes sur mon guidon et tes pieds sur mes cale-pieds. Souviens-toi de tes pneus crantés, montés sur jantes et prêts à installer. Vas-y. Monte-les et enfourche-moi. 50, 100 bornes dans le froid, ça va te remettre la tête à l’endroit. Et aussi, emmène-moi sur cette pente bien raide pas très loin de chez toi, une montée, une vraie. Pas une randonnée courte sur pattes à zéro kilomètre à l’heure dans une montagne à vaches.

De toute façon, à ski, l’ascension tu t’en fous. Tout ce qui t’intéresse, c’est de descendre bille en tête en évitant les cailloux. Mon pauvre vieux tu te fais vieux et ces jeux dangereux ne sont plus de ton âge. Il s’agit maintenant d’être sage, d’oublier le galbe provocant de tous ces couloirs offerts à ta concupiscence. Tu veux que je te dise, à force de chercher la ligne parfaite entre deux pans de neige, tu te retrouveras une fois de plus cul par-dessus tête à trop de mètres au-dessus du niveau de la mer. Une fois de plus tu vas crapahuter en tous sens, de la poudreuse jusqu’au ventre, à la recherche de tout ton barda éparpillé dans la pente.

Alors qu’ici l’air est doux et que les prés primevèrent.

Oublie l’hiver.
Viens avec moi.
Allons rouler dans le printemps.

Voitures à vendre

Voitures brillantes que personne n’achètera jamais.
Des voitures alignées à l’infini des parkings de fortune pendant que les chaînes de montages ne peuvent plus s’arrêter. Des voitures neuves et entièrement équipées. Sans aucun apport ni  conditions de reprise. À zéro pour cent. À partir de 159 Euros par mois. Avec une prime à la casse, pour faire de la place.

Mais voilà, ici, les conducteurs ont déjà deux voitures et seulement un derrière. Alors, pour sauvegarder l’industrie automobile, il faut sans tarder greffer une deuxième paire de fesses sur chaque postérieur.

Deux paires de fesses par conducteur : voilà qui aurait de l’allure pour faire tourner les voitures. À la bourse de New York, les fabricants de fesses feraient flamber l’indice. Les designers s’empareraient de l’affaire. Pour mieux s’adapter aux formes automobiles, on aurait la fesse ergonomique, la fesse molle ou ferme, grasse ou étique, comme un coup de trique. Et pour égayer nos postérieurs, l’industrie du textile proposerait un grand choix de couleurs et des imprimés à fleurs. On aurait la fesse printanière ou la fesse automne-hiver.

Frères et sœurs bipèdes encore pour un temps, en vérité je vous le dis, songez dès à présent à assurer vos arrières.
Désinfectez vos postérieurs.
Achetez une troisième voiture.
Vendez vos manoirs et vos actions.

Investissez dans la jupe ou dans le pantalon.

%d blogueurs aiment cette page :